Panel 4 : Budget Participatif : Rôle des Résidents dans la Gestion des Villes

Modérateur: M. Bachir KANOUTE

M. Bachir KANOUTE, Modérateur du panel, a dans son propos liminaire présenté les panélistes et présenté la situation mondiale des budgets participatifs. Selon M. Bachir KANOUTE, on assiste à une évolution fulgurante du budget participatif dans le monde bien qu’il soit récent. En effet, selon les chiffres à disposition, de 1 269 cas en 2008 quand l’expansion a commencé hors du Brésil, nous sommes passés à 2 766 cas de budgets participatifs en 2012. Le dernier recensement d’Octobre 2019 fait état de 11 825 cas de budgets participatifs dans le monde. Par ailleurs, selon le Modérateur, on constate que de plus en plus de grandes villes dans le monde (Paris, Bruxelles, New-York, etc.) s’approprient cette approche. Tous les continents sont ainsi couverts du point de vue géographique selon M. Bachir KANOUTE.

A la suite de cette intervention liminaire, le Modérateur a laissé se succéder les quatre (04) panélistes.

Le premier panéliste, en la personne de M. Jean Jacques YAPO (Directeur Général de l’Union des Villes et Communes de Côte d’Ivoire (UVICO-CI) indique dans son intervention que le budget participatif a commencé en Côte d’Ivoire en 2004 avec l’appui de l’USAID qui a formé les agents sur la décentralisation. Par la suite, le renforcement des capacités des agents a été fait par M. Bachir KANOUTE en 2018. Selon le Directeur Général de l’UVICO-CI, la Côte d’Ivoire compte à ce jour une cinquantaine de communes qui ont adopté le budget participatif comme mode de gestion alternative des communes.

Selon M. Jean Jacques YAPO, de façon générale, les principales questions abordées en Côte d’Ivoire, sont entre autres : Comment est-ce qu’on implique les populations dans les prises de décision ? Comment est-ce que les populations sont impliquées à l’élaboration du budget ? Comment est-ce que les populations sont impliquées dans la mise en oeuvre des projets ? Comment est-ce que les populations s’approprient les projets qui leur sont destinés ?

A la réalité, deux approches de gestions communales sont récurrentes de façon générale selon M. Jean Jacques YAPO. Dans la première, c’est la municipalité qui décide ; et dans la seconde approche, c’est la société civile qui fait le plaidoyer pour la co-construction de tout ce qui concerne le territoire municipal. Toutefois, l’intervenant a tenu à préciser que c’est la deuxième approche participative qui est mise en avant dans les villes et communes de Côte d’Ivoire. Pour illustrer ses propos, l’intervenant s’est appuyé sur le cas de la commune de Tiassalé, qui est selon lui un cas école de budget participatif. On assiste selon ses dires à une synergie entre les populations de Tiassalé et leur élu. En effet, selon M. Jean Jacques YAPO, un forum municipal à Tiassalé qui comprend les Délégués (qui sont des Conseils de quartiers chargés de prendre en compte toutes les sensibilités de la population et de les prioriser), le Conseil municipal et les populations a été institué. Dans la gouvernance locale, il faut mettre les populations au coeur du développement. Pour terminer son propos, M. Jean Jacques YAPO recommande aux populations de s’approprier les actions municipales, d’en être les contrôleurs, en d’autres termes, le contrôle citoyen doit être exercé.

A la suite de M. Jean Jacques YAPO, la parole fut donnée à Madame ADIKO Gnammon Agnès (Enseignant-chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny-Abidjan Cocody).

Spécialiste en coordination de programmes, praticienne du terrain, Madame ADIKO Gnammon Agnès a axé son intervention sur le fait que de par son expérience, il existe de fortes similitudes entre le budget participatif et un certain nombre de stratégies développées au niveau des communes qui sont basées sur la mobilisation locale. Pour elle, il faut d’abord regarder le rôle des citoyens dans la gestion de leur commune et voir comment le budget participatif comme les autres démarches peut valoriser l’implication de ses populations. Madame ADIKO Gnammon Agnès a indiqué également dans son intervention, qu’il fallait mettre en lumière les limites de la mise en oeuvre des budgets participatifs au niveau local.

Toutefois, il faut retenir que Madame ADIKO a centré son intervention que sur le premier point. De ce fait, cinq (05) points majeurs ont été abordés en ce qui concerne les fortes similitudes existant entre le budget participatif et un certain nombre de stratégies de développement local. Le premier point de similitude est la sécurité communautaire qui part des diagnostics à l’évaluation des problèmes en passant par l’identification des priorités. Pour elle, dans toutes ces approches, l’habitant, le résident des villes, des communes sont les points clés. Le second point, est que toutes ces stratégies de développement local représentent d’une part, une opportunité pour les populations d’apporter au maximum leurs contributions aux autorités municipales. D’autre part, ces stratégies sont pour les Maires un levier pour mobiliser l’ensemble de leurs structures au développement de leur commune. Selon l’intervenante, on passe donc de l’ancien mode de gestion à des modes de gestions plus innovants. Troisièmement, l’innovation majeure est selon Madame ADIKO, la planification. Selon elle, la planification est un principe qui part de ce qui est, de la façon dont les populations voient les problèmes pour identifier les priorités selon les ressources financières à disposition et les partenariats qu’on peut développer. Le quatrième point majeur est l’impact des projets qui selon Madame ADIKO part du principe de la mobilisation des ressources. Le cinquième et dernier point, est selon la panéliste, la qualité de l’observatoire des populations. Selon elle, ce dernier point part du principe de la redevabilité des populations.

En somme, l’on retient que Madame ADIKO dans sa contribution est partie d’un questionnement avec une analyse comparative entre ce qui existait et l’approche du budget participatif. Elle a aussi mis en évidence que le Budget participatif s’est réorienté vers un autre paradigme qu’est la sécurité communautaire.

Le troisième intervenant, M. Diego FERNANDEZ VARAS (Directeur de la Mission Démocratie Locale de la ville de Grenoble-France) a pour sa part partagé l’expérience de la ville de Grenoble en la matière. En effet, pour M. FERNANDEZ VARAS, le budget participatif de Grenoble fait partie des dispositifs de renouvellement de la vie démocratique locale dans la mesure où il associe les habitants sur les affaires publiques les concernant. Selon lui, le budget participatif donne un véritable pouvoir d’agir aux habitants sur les choix de dépenses d’investissements annuels. A cet effet, M. FERNANDEZ VARAS nous indique qu’à la 7ème édition du budget participatif de Grenoble, la municipalité a proposé aux habitants de décider d’un montant de huit cent mille Euros (800 000 Euros) d’investissements. Par ailleurs, l’intervenant a mis en lumière quelques spécificités du budget participatif Grenoblois. La première spécificité concerne l’accompagnement individualisé de porteurs de projets. La seconde spécificité est un forum initié par les habitants pour valoriser et mettre en lien des porteurs de projets. La troisième spécificité est que le budget participatif est ouvert à tous les résidents de Grenoble sans distinction de nationalité. La quatrième spécificité grenobloise est que la mise en oeuvre du budget offre un cadre d’échange à tous les habitants afin qu’ils prennent part aux activités de la ville. La cinquième et dernière spécificité est que le budget est un dispositif évolutif qui s’améliore constamment avec la participation des habitants dans des choix stratégiques.

Toutefois, le panéliste soulève deux défis majeurs auxquels la ville de Grenoble devrait relever. Le premier défi est de renforcer les liens et les passerelles entre le budget participatif et les autres dispositifs démocratiques de la ville. Le deuxième défi est que la ville de Grenoble doit continuer à accentuer les pouvoirs transformateurs du Budget participatif en soulignant le choix de la population sur des projets de plus en plus ambitieux.

Par ailleurs, M. Diego FERNANDEZ VARAS souligne que la 8ème édition du Budget participatif grenoblois se veut de plus en plus ambitieux en permettant aux habitants de proposer des projets allant jusqu’à un million d’euro (1 000 000 €). Cela représente un des défis majeurs de cette 8ème édition.

M. FERNANDEZ VARAS a terminé son exposé en invitant l’assistance à la 21ème conférence de l’OIDP qui se tiendra en Décembre 2022 à Grenoble.

La dernière panéliste en la personne de Son Excellence Madame Anne LUGON-MOULIN, Ambassadrice de la Suisse en Côte d’Ivoire a présenté de façon succincte la situation de la Suisse en terme de Budget participatif. L’on retient avec Madame Anne LUGON-MOULIN que la Suisse s’insère dans une structure de gouvernance extrêmement large décentralisée qui est héritée de l’histoire et de la culture suisse. Pour la panéliste, la structure de l’Etat Suisse permet la participation du citoyen à tous les échelons du Gouvernement. Cette approche s’explique selon Madame l’Ambassadrice par deux mécanismes principaux que sont le Fédéralisme et la Démocratie directe. En ce qui concerne le Fédéralisme, l’intervenante à partir d’un bref rappel historique, nous montre que la Suisse est construite depuis 700 ans de bas en haut par une série d’alliance de territoires qui étaient tous autonomes. Elle continue pour dire qu’ils le sont restés jusqu’en 1848, date d’entrée en vigueur de la constitution fédérale, donc de la constitution suisse. D’après l’intervenante, cet état de fait explique la forte autonomie des 26 régions et 2 000 communes suisses du point de vue financier, éducatif, sanitaire, sécuritaire, etc. En d’autres termes, c’est le principe de subsidiarité qui domine en Suisse.

Au sujet de la démocratie directe, selon la panéliste, le système de démocratie directe suisse est le plus abouti au monde. Elle illustre ses propos en indiquant qu’en Suisse, l’Etat central ne ponctionne que 20% des impôts, et le reste est levé soit par les régions, soit par les communes. De plus, elle explique que les citoyens peuvent proposer à votation populaire tous les sujets à tout moment. Cela fait qu’on vote environ 12 à 15 fois en Suisse par an selon la panéliste.

Toutefois, cette forme de démocratie présente des insuffisances, voire des défis selon la panéliste. En effet, le monde devient de plus en plus complexe, d’autant plus avec l’avènement des réseaux sociaux et l’inflation des sujets à discussion. L’Etat fédéral suisse gagnerait à faire un tri des sujets afin de limiter les votes populaires.

A la suite des présentations des panélistes, l’on a assisté à l’étape des échanges. Ces échanges ont porté sur des questions adressées aux panélistes et à des contributions.

La première intervention du public est venue de M. OYOU ALEXIS, qui demandait de savoir que faire pour rendre la démocratie africaine plus souple afin qu’elle atteigne toutes les couches de la société ? A sa suite, on a enregistré la préoccupation de Madame SYLLA (Présidente du Conseil Syndical de Cocody), qui demande aux panélistes le meilleur modèle de stratégies de développement local à suivre dans les pays africains en général, et particulièrement à Cocody. Quant au Dr. BAMBA (Maire de Worofla), il a apporté une contribution. Dans son intervention, il affirme que dans sa commune, toutes les couches de la société sont représentées dans le Conseil municipal. Il a ainsi demandé à M. Jean Jacques YAPO (Directeur Général de l’Union des Villes et Communes de Côte d’Ivoire (UVICO-CI), d’inscrire la commune de Worofla dans la liste des communes ayant adopté le budget participatif. Le quatrième intervenant dans le public, M. BOUNAMA Kanté (Maire de Tabacounda-Sénégal) a pour sa part, demandé à savoir si le budget participatif n’avait que des aspects positifs. Il s’intéresse à connaitre les éventuelles limites du budget participatif. La dernière intervention du public est venue de Monsieur YACE Marc (Maire de la commune de Cocody), qui a apporté plutôt une contribution. On note en substance dans ses dires, en réponse à la question de Madame SYLLA, que la commune de Cocody s’est déjà inscrite dans la démocratie participative et en appelle au civisme des populations pour qu’elle soit une réalité.

A la suite des différentes questions et interventions, la parole fut donnée aux différentes panélistes.

Prenant la parole, M. Jean Jacques YAPO, en réponse aux questions de M. OYOU Alexis et de M. YACE Jean-Marc, pense qu’il existe un besoin de renforcement des capacités des agents des collectivités territoriales. Pour rebondir dans le même sens que le Maire de Worofla, M. Jean Jacques YAPO nous fait remarquer que nous sommes passés d’un Etat centralisé à un Etat décentralisé. Il ajoute qu’il faudrait impliquer tout le monde et ne pas compter que sur les ressources de la Mairie. Enfin, pour répondre à la question de M. BOUNAMA Kanté, il pense que seul l’incivisme pourrait être un frein à la bonne marche du budget participatif.

Madame ADIKO a abondé dans le même sens que M. Jean Jacques YAPO.
M. FERNANDEZ VARAS quant à lui a apporté un élément de réponse à la préoccupation de Madame SYLLA. Il pense qu’il n’y a pas un meilleur modèle de stratégies de développement local. Il faudrait selon lui, que le modèle soit adapté aux besoins de sa population.

Le quatrième et dernier panéliste, Son Excellence Madame Anne LUGON-MOULIN, dans son intervention, a abondé dans le même sens que M. Diego FERNANDEZ VARAS. Pour elle, chaque pays devrait faire le choix d’une stratégie de développement local selon sa culture. En outre, en réponse à la question de M. BOUNAMA Kanté, Madame Anne LUGON-MOULIN pense que le seul frein à la bonne marche du budget participatif est de créer des attentes irréalistes.

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