Madagascar: les résultats du rapport de Transparency International sur la corruption divisent
Ce mardi 31 janvier, Transparency International Initiative Madagascar a dévoilé l’Indice de perception de la corruption 2022 sur l’île. Si l’IPC est aujourd’hui l’indicateur de corruption le plus largement utilisé dans le monde, la limite de sa méthodologie fait que l’année analysée correspond à l’année n-2 (ici, l’année 2021). © Sarah Tétaud/RFI
Transparency International a révélé son annuel IPC, l’Indice de perception de la corruption. Une sorte de note attribuée à chacun des pays participants au classement, obtenue suite à des enquêtes réalisées auprès d’experts et de chefs d’entreprise, sur leur perception du degré de corruption dans le secteur public de leur pays. Comme deux tiers des Etats, Madagascar a obtenu un score inférieur à la moyenne. Avec une note de 26/100, identique à celle de l’an dernier, l’île se classe à la 142e place sur 180 pays. Sur place, les analyses de ce résultat divisent.
Pour expliquer la stagnation enregistrée ces dernières années, Transparency International Initiative Madagascar avance plusieurs raisons. « Pourquoi la lutte contre la corruption n’évolue pas à Madagascar ? C’est qu’on n’y met pas les moyens, tout simplement », annonce très cash, Ketakandriana Rafitoson, la directrice exécutive de l’ONG.
« Pour vérifier notre analyse, on a regardé la Loi de Finances rectificative de 2022 : le budget alloué aux institutions de lutte contre la corruption ne fait que 0,128% du budget général de l’Etat. C’est un peu sidérant quand on sait que la lutte contre la corruption est censée être l’une des priorités nationales .La deuxième raison, selon nous, c’est la persistance de l’impunité encouragée par les différentes sortes d’immunité, dont l’immunité parlementaire et la protection politique. Lorsqu’il y a des personnes qui sont proches du pouvoir ou détentrices du pouvoir, qui sont soupçonnées de corruption, les investigations ne vont jamais loin. Ou seulement, 5 ou 6 ans après les faits, lorsque la personne n’est plus au pouvoir et qu’elle a perdu ses protecteurs politiques. Et tout ça nous ramène aux inégalités devant la loi. »
Une analyse battue en brèche par la porte-parole du gouvernement Lalatiana Rakotondrazafy Andriatongarivo.« Madagascar a peut-être fait le même score en 2021 et 2022, mais je vous invite à regarder sur une plus longue durée. Dans le classement de Transparency International, nous avons quand même gagné 16 places au rang mondial depuis 2019. Nous étions classés à la 158e place en 2019. Si beaucoup reste à faire, beaucoup a été quand même entrepris par le gouvernement actuel. Notamment en matière des recouvrements des avoirs illicites – avec l’agence de recouvrement des avoirs illicites rendue opérationnelle en 2022 avec la nomination de son directeur général-, de digitalisation des services de l’Etat, qui rendent les tentatives de corruption plus difficiles, ou encore la mise en ligne d’une plateforme de passation des marchés publics pour éviter les pots de vins entre les acteurs privés et les fonctionnaires de l’Etat peu scrupuleux. Donc contrairement aux interprétations de certains acteurs de la société civile, les efforts de la lutte contre la corruption ont été considérables depuis 2019 et le gouvernement compte poursuivre ses efforts. »
Des efforts à ne pas ménager. Le président Rajoelina avait annoncé en 2018 emmener le pays au score de 50/100 pour 2024. Une naïveté qui fait sourire la société civile mais qui préfère tendre la main plutôt que de railler. Cette année, la branche malgache de Transparency international vient de concevoir un tutoriel destiné aux membres du gouvernement. Avec pour but d’informer sur les leviers à actionner pour obtenir de meilleures notes. Un guide qui propose des questions pratico-pratiques auxquelles le gouvernement pourra se référer : « quelle est la fréquence du détournement des fonds publics, des entreprises, des individus, en raison de la corruption ? Dans quelle mesure les titulaires de charge publique qui abusent de leurs fonctions sont-ils poursuivis ou pénalisés ? » Autant de questions que l’ONG encourage à se poser pour pouvoir ensuite identifier les politiques à modifier.
Source : RFI