Pour Ségolène Royal, la COP de novembre à Marrakech doit être « africaine »

4979477_7_7c7d_la-ministre-de-l-environnement-segolene_27b3e3a3f5d2f7c2582d56913a16cc80Cette COP22, en novembre prochain à Marrakech, où elle passera au Maroc le relais de la présidence de la conférence sur le climat, Ségolène Royal veut qu’elle soit une « COP Africaine ». C’est le message qu’elle est venue faire passer, vendredi 5 août à Maputo, puis le lendemain en Tanzanie.
Le Mozambique est le 17e pays africain où se rend en une année la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, elle qui a fait de l’Afrique la priorité de son mandat à la tête de la COP21. « L’Afrique comme victime du réchauffement climatique, mais aussi l’Afrique comme solution », dit-elle en préambule lors d’un entretien à la résidence de l’ambassadeur de France à Maputo.

Les chefs d’Etat ont leur propre structure

Au-delà d’encourager à la ratification de l’accord de Paris sur le climat – à ce jour, 22 pays sur 180 signataires ont conclu le processus – Ségolène Royal est surtout venue « accélérer » des projets d’énergie verte. Au Bourget, le 7 décembre 2015, dix bailleurs ont engagé 10 milliards de dollars pour l’installation de 10 gigawatts (GW) de nouvelles capacités électriques vertes d’ici à 2020 : c’est l’Initiative africaine pour les énergies renouvelables.
« Mon souci, désormais, c’est de savoir comment cette somme va être utilisée. Il y a une impatience très forte de la part des pays africains de voir concrètement s’accélérer la transition énergétique en Afrique », précise-t-elle.
La ministre vient de produire un rapport sur le sujet, auquel Le Monde a eu accès. Adressé début juillet à tous les chefs d’Etats africains, celui-ci comprend une première liste de projets qu’elle devait initialement présenter fin mai. Des critiques sur sa trop grande appropriation du sujet l’ont poussé à temporiser. Car de leur côté, les chefs d’Etat africains ont mis sur pied à Abidjan une structure, rattachée à la Banque africaine de développement (BAD), chargée justement de la sélection des projets. « C’est beaucoup plus facile pour une institution internationale de débattre sur une liste qui vient de l’extérieur et qu’ils peuvent discuter, avance la ministre, qui se défend de vouloir court-circuiter les travaux de l’unité. Aux chefs d’Etats maintenant de dire ce qu’ils en pensent et de la compléter ».

Identifier des projets africains

Hydrauliques, solaires, éoliens, géothermiques, les projets – parfois vieux de 15 ans – sont de toutes les dimensions, de 4 500 mégawatts (MW) pour le mégabarrage d’Inga, en République démocratique du Congo, à 5 MW pour des petits projets solaires au Kenya
« Lors de l’assemblée générale des Nations unies en septembre, je vais organiser un événement dédié avec l’ensemble des pays africains de l’initiative pour stabiliser la liste et proposer une répartition des financements. Tout sera prêt pour la COP22 », insiste-t-elle.
Ses tournées africaines visent, elles, à identifier des projets prioritaires et à adapter la liste. « Sur le Mozambique par exemple, on a découvert deux projets de centrales solaires que l’on ne connaissait pas, qui sont matures, qui sont prêt à démarrer, mais qui sont bloqués ». En revanche, des deux projets d’envergures listés, qui totalisent 2 700 MW, l’extension du barrage de Cahora-Bassa est abandonnée, et le vieux projet de construction du mégabarrage de Mpanda-Nkuwa doit être réétudié.
Mais Maputo est plongé depuis quelques mois dans une grave tourmente financière, depuis que le gouvernement a admis avoir dissimulé des emprunts publics s’élevant à 2,2 milliards de dollars. En avril, dans la foulée du Fonds monétaire internationale (FMI) et de la Banque mondiale, les principaux bailleurs, dont la France, ont suspendu leurs aides. Et fin juin, le FMI n’était toujours pas satisfait des éclaircissements apportés par le gouvernement mozambicain.
A contre-courant, Ségolène Royal s’est fermement engagée à débloquer les deux projets de fermes solaires. « Plus largement, et parce que j’ai le même problème en Ethiopie, je considère que la COP21 a rebattu les cartes et que les critères d’accès aux constructions d’équipements d’énergies renouvelables doivent échapper à cette règle de la dette. Si l’on veut résorber la dette des pays africains, il faut bien déclencher de la croissance économique. Et celle-ci dépend essentiellement de l’accès de la population à l’énergie », explique-t-elle.
L’un des projets, d’une capacité de 45 MW, est porté par une entreprise française, Néoen, dans le nord du Mozambique, et souffre de la morosité ambiante dans le milieu des affaires. « Je vais trouver une solution, je vaisdiscuter avec le trésor français pour savoir comment on peut faire pour débloquer la situation. Cela pourrait prendre la forme d’une garantie », assure la ministre.
Cyril Perrin, le directeur de Néoen au Mozambique, s’est déclaré ravi de cet appui. D’après lui, la centrale pourrait être raccordée au réseau dès 2017. Reste à convaincre le ministère français des finances d’un nouveau geste : depuis 2000, la France a déjà pardonné 263 millions de dollars de dette au Mozambique.
La liste française des projets d’énergie renouvelable
Le rapport Initiative africaine pour les énergies renouvelables, que Le Monde a pu consulter avant qu’il ne soit rendu public, se veut à la fois une synthèse et une base de travail. Agrémenté de plusieurs photos de Ségolène Royal lors de ses déplacements en Afrique, il tient essentiellement autour de dix propositions et d’une « première liste de projets ». La présidente de la COP21 enjoint également les autres partenaires à dresser leur propre liste. Elle réitère que la sélection finale revient aux pays africains et à l’Unité de mise en œuvre dirigée par le malien Youba Sokona.

Les propositions

Parmi les propositions, on retrouve des annonces passées, comme l’implication des femmes dans les énergies renouvelables, ou des pistes de réflexion à l’état d’ébauche, comme la nécessité d’instruments financiers innovants. Si le rapport évoque des “mixages prêts-dons”, les 2 milliards de contribution française, eux, sont uniquement sous forme de prêts.
Mme Royal propose également de faire de l’unité de mise en œuvre une agence. Il ne s’agit pas d’imiter Jean-Louis Borloo et son souhait d’agence panafricaine pour l’électrification de l’Afrique, explicite la ministre. Mais plus d’une antenne qui reste dépendante de la BAD (Banque africaine de développement), sur le modèle de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) en France. L’unité sera installée avec un cofinancement franco-allemand, précise le rapport.

Les projets

Au niveau de l’installation de nouvelles unités de production électrique (hydraulique, solaire, éolien, géothermique), les projets retenus sont concentrés sur vingt-quatre pays africains. Certains Etats sont mieux lotis : l’Egypte, le Kenya et le Mali, avec cinq projets chacun. En revanche, le Burkina Faso, le Soudan, le Tchad, Madagascar et la Mauritanie, et la grande majorité des petits pays, ne sont pas encore concernés.
On retiendra, parmi les projets les plus significatifs :

  • Le barrage d’Inga III (4 500 MW), en République démocratique du Congo, dont la Banque mondiale s’est retirée en juillet 2016 ;
  • La ferme solaire Noor (2 000 MW), au Maroc, la future plus grande centrale solaire au monde, dont le chantier a été inauguré en février 2016 ;
  • Le parc éolien du Golfe de Suez (2 000 MW), en Egypte, dont le consortium de construction, attribué en mai 2016, est dirigé par le français Engie.

En termes de capacité électrique, l’ensemble des projets listés totalisent 27 gigawatts (GW). Comme le propose Ségolène Royal, un travail de cartographie est plus que nécessaire, alors que l’objectif de l’initiative prévoit de porter à 300 GW d’ici 2030 la puissance des installations en renouvelable. Soit deux fois plus que la capacité électrique actuelle du continent, toutes énergies confondues.
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/08/07/pour-segolene-royal-la-cop-de-novembre-a-marrakech-doit-etre-africaine_4979478_3212.html#mfhIFxKi7JyEGwHB.99

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